Quand j’ai annoncé à mes proches que j’allais devenir écrivain, j’ai obtenu deux réactions totalement opposées. Les uns étaient abasourdis et m’ont demandé quelle mouche m’avait piquée, tandis que les autres ont souri et se sont exclamés : « Ah ! ça y est, tu te lances ! ».
Comment devient-on écrivain ? À vrai dire, je n’ai pas la réponse, et il me semble qu’elle est propre à chacun. Dans ce billet, je ne peux vous raconter que ma propre histoire, et pourquoi mon choix n’a surpris que la moitié de mes amis…
L’histoire commence donc avec une petite fille qui n’a jamais assez de temps pour lire tous ces livres merveilleux sur lesquels ses yeux se posent…
Alors, je lis en classe, le livre caché sur mes genoux, je lis à la récré, assise sous le préau, puis encore dans le bus qui me ramène chez moi… La nuit, je me cache sous les draps avec une lampe torche pour gravir les sommets avec Heidi, Fille de la montagne, danser avec Doone, le héros du livre Les enfants du jeudi ou encore cavaler sur les pavés mouillés pour explorer Les mystères de Paris.
Évidemment, le matin, le réveil est compliqué, et toute ma famille est vite persuadée que je ne suis tout simplement pas une personne matinale !
Après le bac, alors que je continue de dévorer tous les livres qui me tombent sous la main, je commence à écrire. Quelques années après avoir découvert la magie de la lecture, je tombe amoureuse d’une nouvelle magie : celle de l’écriture. Pour moi, c’est une révélation. J’ai trouvé ma vocation : un jour, je serai écrivain !
Je commence des dizaines de romans qui ne dépassent jamais les quelques pages puis me lance dans l’écriture de nouvelles. Je m’inscris au Prix du Jeune Écrivain et, grâce à ma nouvelle Jour de métro, je réussis à être finaliste. Quand je reçois l’enveloppe kraft avec les félicitations et les encouragements du jury, je me sens pousser des ailes ! J’ai raison d’y croire !
Pourtant, je me laisse persuader que je dois d’abord apprendre « un vrai métier ». À vrai dire, cela me semble logique. Certes, on me reconnait un embryon de talent, mais de là à vivre de mon écriture… J’imagine plutôt devenir écrivain dans de longues années, après une vie bien remplie.
J’obtiens donc mon diplôme de Sciences Po puis je tente une école de commerce que j’abandonne au bout d’un an, incertaine de mes aspirations. Je décide alors de me lancer dans la « vraie vie », en prenant un petit boulot dans un hôtel de luxe. Hasard chanceux, je tombe éperdument amoureuse de ce métier ! Je découvre la passion du service, une quête d’excellence tournée vers la satisfaction des autres.
Le petit job devient mon vrai métier, mais le rêve est encore là.
« Plus tard, je serai écrivain… »
Portée par ma nouvelle passion professionnelle, je me mets à prendre ma vie au sérieux. Je travaille dur, je gravis les échelons, tout me semble parfait. Je suis sans cesse débordée ou épuisée, je n’ai plus le temps de rêver, d’imaginer et encore moins d’écrire. Mais ça ne me gêne pas : j’adore mon métier ! Les années passent, le rêve d’écrivain s’étiole, puis s’efface lentement. Il part donc se réfugier dans une cachette secrète de mon esprit. Jusqu’à ce que je l’oublie complètement.
Pourtant, pendant toutes ces années, j’écris énormément pour le travail : des articles de blog, des newsletters, des publications pour les réseaux sociaux, des invitations au voyage… J’y prends énormément de plaisir, on me félicite souvent pour ma plume, mais je n’y vois plus qu’une compétence professionnelle atypique.
Je ne pense plus du tout à écrire des histoires et j’ai oublié mon rêve d’écrivain.
Pendant 18 ans.
Et puis un jour, alors que la petite fille en moi ne reconnait plus sa vie, voilà le rêve qui sort de sa cachette. Il me souffle une idée d’histoire qui se met à grandir dans mon esprit. Elle prend tellement de place qu’il me faut absolument l’écrire.
L’écrire. Comme un écrivain ? J’ai tellement oublié mon rêve de jeunesse que je le prends même pour un nouveau rêve ! Un rêve fantasque, pas sérieux du tout… Un rêve complètement fou ! Mais un rêve aux couleurs de l’arc-en-ciel, un rêve qui me fait vibrer. L’adulte se laisse convaincre par la petite fille et je me mets à écrire.
Pire, je réfléchis sérieusement à en faire mon métier. Je me renseigne, je me forme et j’en conclus qu’il ne tient qu’à moi de faire de mon rêve une réalité. Le monde de l’édition s’est totalement métamorphosé en 20 ans, et il est aujourd’hui possible de publier de manière indépendante. Cela résonne en moi, et je fais immédiatement ce choix. Je termine donc mon premier manuscrit et je m’entoure de professionnels pour m’assurer de proposer un roman de la meilleure qualité possible.
Au même moment, mes années de surmenage me rattrapent brutalement, et je n’ai plus le choix : il me faut arrêter ma carrière dans l’hôtellerie. Mon corps et mon esprit ont lâché, et je ne suis plus capable de continuer ce métier. Le chapitre hôtellerie de ma vie s’achève abruptement et je fais une croix sur la transition en douceur que j’avais imaginée. Heureusement, mon rêve d’écriture me porte et m’aide à me reconstruire et à avancer.
Et aujourd’hui, alors que je m’apprête à publier ce roman dans quelques semaines, je réalise soudain que, ça y est, je suis écrivain ! Je souris en repensant à la petite fille au nez toujours plongé dans un bouquin.
Je suis autrice, j’ai écrit mon premier roman, je suis plongée dans l’écriture du second, j’ai plusieurs histoires en préparation… Aujourd’hui, je passe la moitié de mes journées à écrire des histoires. Et l’autre moitié ? Eh bien, je lis, évidemment !
PS : si le mot autrice vous écorche les yeux, je vous invite à lire : auteure ou autrice : quel mot pour un auteur féminin ?